LA CONSTRUCTION HISTORIQUE DES MICRO-ÉTATS EUROPÉENS
114. La Révolution espagnole. — Au début du XIX* siècle, Andorre subit les conséquences
des troubles liés à la révolution espagnole. L’esprit révolutionnaire qui traverse toute l’Europe
pendant cette période commence à germer en Principauté et à poser de nombreux problèmes.
En 1822, la révolution espagnole contraint, l’Evêque d’Urgell via le viguier français en
Andorre à transférer une partie des finances de l’Eglise d’Urgell en France”°'. En 1834, une
troupe espagnole pénètre en Andorre pour se saisir de nombreux exilés alors que la frontière
espagno-andorrane est fermée. Impuissance face au mouvement qui atteint la Principauté, le
syndic demande en 1836 la protection de la France pour le maintien de sa neutralité et le
retour au calme”. L’Espagne manifeste son désir d’obtenir des mains des autorités
andorranes les revenus de l’évêque d’Urgell, tentative qu’elle abandonne sous la pression des
autorités françaises”. Les effets conjugués des révolutions française et espagnole laissent des
stigmates dans la société andorrane du XIX* siècle, à tel point qu’un besoin de renouveau
démocratique se fait sentir en Principauté (B).
B. Les crises politiques
115. La crise de Mgr Caixal. — En 1853, la prise de fonction du Coprince épiscopal Mgr
Caixal déclanche avec les autorités andorranes une crise politique et institutionnelle sans
précédent. Autoritaire et ambitieux, celui-ci s’attache pendant tout le milieu du XIXe siècle à
affirmer sa suprématie. Désireux d’assurer sa propre souveraineté, l’évêque d’Urgell profite
d’un jugement du Tribunal de Corts condamnant à mort un criminel le 20 décembre 1854
pour faire valoir son droit de grâce, mais sans consulter le Coprince français. Une première
crise politique contraint le Conseil de la Terre à mettre en place une commission spéciale
chargée de dénoncer un abus de pouvoir. — Le 22 avril 1866, l’évêque d’Urgell, sans
consultations préalables, édicte un décret visant à réformer en profondeur les institutions
andorranes. Cette situation fait naître une nouvelle crise entre le Conseil de la Terre et
l’évêque d’Urgell, conduisant à la démission du Conseil puis à l’appel à la France par le
Syndic afin de faire retirer la réforme. Pour répondre aux demandes pressantes des autorités
361 Par la suite de nombreux opposants au régime espagnol pénétrèrent en Principauté ce qui eut pour effet
d’irriter l’État Français qui accusa Andorre de ne pas respecter son obligation de neutralité. Monsieur Thiers,
ministre de l’intérieur précise au préfet de l'Ariège : « Vous n’en devez pas moins continuer de veiller à ce que
les habitants de l’Andorre se maintiennent dans une neutralité dont leur position à l'égard du gouvernement de
France et d’Espagne leur fait un devoir rigoureux ».
°° La menace de Louis-Philippe d’intervenir militairement contre l’Espagne ne suffira pas à rétablir l’ordre dans
les vallées d’Andorre. Il faudra attendre 1840 pour que des accords hispano-andorrans soient signés et qu’un
commissaire espagnol soit installé afin de s'occuper des exilés.
3 Monsieur Thiers devenu Ministre des affaires étrangères rappelle : « L'Espagne n’ayant aucun droit de
souveraineté sur la vallée d’Andorre n’a pas à intervenir dans son régime intérieur ; elle ne pourrait y faire
d'acte d'administration qu’en violant l’indépendance et la neutralité de ce petit pays ».
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