LA CONSTRUCTION HISTORIQUE DES MICRO-ÉTATS EUROPÉENS
A. Les révolutions française et espagnole
112. La Révolution française. — Les débuts de la révolution française n’inquiètent pas les
Andorrans car le roi Louis XVI demeure toujours Coprince d’Andorre. Cependant, dès 1791,
l’Evêque d’Urgell voit d’un mauvais œil la révolution qui a lieu en France et qui touche
directement le roi de France et indirectement la coseigneurie d’Andorre”’. Le 22 juin 1792,
moins de deux mois avant la chute de la monarchie, les Andorrans obtiennent confirmation de
leurs privilèges. Deux ans plus tard la convention décrète l’abolition du régime féodal. Cette
disparition laisse craindre le pire pour Andorre dont le statut atypique repose sur les vestiges
d’une époque féodale marquée par la coutume et de nombreux accords interétatiques. Peu à
peu, la peur s’installe en Principauté et l’idée d’une disparition des privilèges liés au
commerce encourage le conseil à demander à l’Evêque d’Urgell d’agir rapidement“. Le 22
Août 1793, lorsque la délégation andorrane vient verser la questia aux administrateurs du
département de l’Ariège, ces derniers se voient opposer un refus :
« Attendu que cette redevance rentrait dans l’ancien droit féodal ; que la République Française avait aboli
toutes les traces de féodalités, le peuple étant désormais libre de tout servage ; attendu que l’Andorre fait acte
par ses commissaires de soumission féodale envers la République, qui ne saurait accepter une pareille
bassesse ; attendu que la royauté, seule pouvait tolérer un semblable oubli des droits de l'homme et des nations,
refuse le tribut offert sous forme de redevance par les commissaires de la République d'Andorre yo?
113. Les Andorrans sont dégagés de la tutelle francaise puisque la République francaise
renonce a exercer sa souveraineté, mais ils ne s’en réjouissent pas car ils perdent les droits
découlant de l’arrêt de 1767 sur les franchises douanières et n’ont plus de contre-balancier au
pouvoir de l’évêque d’Urgell, dualité nécessaire pour garantir leur liberté’. Après de longs
mois de négociation à la préfecture de l’Ariège entre les représentants du Conseil de la Terre
et les autorités préfectorales françaises, l’Empereur Napoléon I°" revendique les droits sur la
Principauté et promulgue un décret en date du 27 mars 1806 qui restaure l’ensemble des
privilèges et des franchises qui unissaient l’Andorre au roi de France.
°°7 Pour lutter contre l’envahisseur, l’Evêque d’Urgelll avait prévu qu’en cas d’invasion étrangère, une escouade
espagnole interviendrait pour porter secours à Andorre victime de son voisin français.
8 L'ensemble de la période révolutionnaire française fit connaître à la Principauté d’Andorre un déséquilibre
institutionnel. Le refus de percevoir la questia ainsi que l’absence de coprince remettaient en cause les privilèges
andorrans. Les liens diplomatiques sont coupés avec la France jusqu’en 1801. Après une longue période de
négociations entre représentants du conseil de la terre et les autorités préfectorales ariègeoises, Napoléon Ier
reprit ses droits sur Andorre et promulgua un décret en date du 27 mars 1806 rétablissant Andorre dans ses
droits, prérogatives et institutions d’avant la révolution.
39 BELINGUIER (B.), La Condition Juridique. op. cit. p. 53.
3° Jean-Claude COLLIARD affirme : « ce système paritaire leur permettait en ayant deux maîtres de n'en avoir
aucun ».
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