LA CONSTRUCTION HISTORIQUE DES MICRO-ÉTATS EUROPÉENS
des rois et des évêques condamne les investitures d’ecclésiastiques par des laïcs’’. En 1145
Eugène II développe la théorie des deux glaives en affirmant la possession des deux pouvoirs
par le pape, dont le temporel est délégué aux princes. En l’absence de reconnaissance du
pouvoir temporel, le pape affirme sa primauté sur les autres évêques et renforce l’autorité de
l’Église contre les immixtions des rois et des empereurs dont les territoires sont sous sa
juridiction. À défaut d’être arrivé à une centralisation des pouvoirs spirituel et temporel sous
son égide, le pape s’attèle à faire valoir la primauté du spirituel sur le temporel (B).
B. La reconnaissance de la supériorité du spirituel sur le temporel
143. La théorie des deux glaives. — Au XIIIe siècle, le Pape prend une dimension de chef
d’État””*. La théorie des deux glaives mise en place par le Saint-Siège reconnaît au pape,
représentant de Dieu sur terre, un pouvoir spirituel et temporel qu’il s’efforce de préserver au
prix de nombreuses croisades contre les puissances laïques et les revendications anti-fiscalité
pontificale. Néanmoins, l’immixtion du pape dans le domaine temporel irrite le Roi Philippe
le Bel. Ce dernier, désireux d’entretenir une armée capable de contrôler les villes flamandes
déclarées indépendantes va jusqu’à remettre en question l’exemption des clercs au regard des
impôts levés par les souverains temporels. C’est ainsi qu’en 1295, 1l soumet le clergé à un
impôt exceptionnel appelé « la dime ». En réaction, le pape Boniface VIII répond par une
bulle clericis laicos déclarant qu’aucun impôt ne peut être demandé au Saint-Siège sans son
accord. Le conflit prend une telle importance que Philippe le bel interdit toute exportation de
valeur hors du Royaume de France, privant ainsi le Saint-Siège d’une grande partie de ses
ressources.
144. La bulle « Unam Sanctam ». — En 1302, le pape Boniface convoque a Rome un synode
des évêques français et édicte la bulle « Unam Sanctam”” » affirmant ainsi la supériorité du
87 VAUCHEZ (A.), MAYEUR (J.-M.), PIETRI (L.) et PIETRI (C.), Histoire du Christianisme. , op. cit., p.
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©S En 1199, toute tentative de réconciliation de l’Église chrétienne est vaine. Le pape Innocent III, grand
défenseur de la théorie des deux glaives développe une véritable théologie de la primauté de Pierre. Par lettre
adressée au patriarche de Constantinople le 12 novembre 1199, il commente en ces termes le verset 32 du
chapitre 22 de l’évangile de Luc : « Le Seigneur révèle qu’il a prié pour lui, en disant dans le feu de la passion :
” J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille pas et que toi, une fois converti, tu confirmes tes frères .
Cf, VAUCHEZ (A.), MAYEUR (J.-M), PIETRI (L.) et PIETRI (C.), Histoire du Christianisme … , op. cit., p.
586.
9 Le pape rappelle que les deux glaives temporel et spirituel sont entre les mains de l’Église et affirme que :
« toute créature humaine est un tout, de nécessité, de salut, soumise au pontife romain ». Cf. LEVILLAIN (P.),
Dictionnaire Historique de la papauté, Paris, Ed. Fayard, p. 235.
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